Le canal lacrymal ou naso-lacrymal est situé à la base du nez, au coin de l’œil. Il y en a un à droite et un à gauche. Il permet d’évacuer l’excédent de liquide lacrymal (ou larme) vers la cavité nasale (le nez). Le canal lacrymal peut être bouché dès la naissance (en général par imperforation de la valve de Hasner), ou se boucher par la suite au cours de la première année de vie du bébé.

Cette obstruction est présente, selon certains auteurs, chez 20 à 30% 1 des nouveaux nés au cours de la première année, d’autres trouvent 5 à 6% 2. Cette obstruction est bénigne dans la majorité des cas et se résout de façon spontanée dans la première année. Lorsque ce canal est bouché, l’excédent de larme du nouveau-né ne peut plus s’évacuer par le nez et les larmes restent donc dans l’œil : le ou les yeux larmoient en permanence, provoquant parfois une infection.

 

 

 

Symptômes

  • Yeux qui larmoient, qui coulent. C’est ce que l’on appelle l’épiphora (ce larmoiement des yeux peut avoir plusieurs origines 3 et nécessite donc le diagnostic d’un médecin),
  • Cils mouillés en permanence,
  • Paupières collées, surtout le matin au réveil car le mucus des yeux n’est plus nettoyé par les larmes,
  • Parfois, on peut voir un liquide jaune ou verdâtre dans l’oeil ou alors remarquer que l’œil est rouge : l’œil peut s’infecter plus facilement lorsque le canal lacrymal est bouché car il n’est plus nettoyé correctement par les larmes,
  • Le sac lacrymal, situé au coin interne de l’œil, peut être gonflé. C’est ce que l’on appelle la dacryocystocèle.

Traitements

Lavage + massages

Le lavage des yeux au sérum physiologique associés à des massages doux du coin interne de l’œil (4 à 6 fois par jour) peuvent aider à “déboucher” le conduit, mais dans de rares cas cela ne suffit pas. Le pédiatre pourra prescrire à votre nourrisson un traitement antibiotique local en plus du lavage des yeux lorsqu’une infection est présente.

Sondage

Le sondage consiste à passer une fine sonde dans le canal afin de le déboucher. Cette intervention ne nécessite pas forcément une anesthésie générale. Son taux de réussite dépend de l’âge de l’enfant 4 :

  • Avant 6 mois : efficace dans 90 à 98 % des cas
  • Entre 6 et 12 mois : efficace dans 60 à 70 % des cas selon les études
  • Après 12 mois : n’est efficace que dans 40 % des cas et moins

Tube en silicone

Cette opération s’effectue sous anesthésie générale et consiste à insérer un tube en silicone dans le canal afin que celui-ci ne se rebouche pas (99% de réussite à 1 an 3).

Dacryocystorhinostomie

La dacryocystorhinostomie est une intervention chirurgicale réalisée sous anesthésie locale ou générale, parfois associée au tubage siliconé, qui permet de créer artificiellement un passage entre le canal lacrymal et les cavités nasales. Cette intervention laisse une petite cicatrice au coin du nez sauf si on passe par l’intérieur du nez (on parle alors d’abord endo-nasal mais il faut alors attendre les 4-5 ans de l’enfant avant de tenter une telle intervention).

Calendrier des traitements

D’après une étude de 2000 5, un traitement conservateur (c’est-à-dire lavage + massages) a un succès de plus de 90% chez les enfants âgés de 0 à 6 mois et de 60% chez les enfants âgés de 7-12 mois. Or, plus on attend avant de faire un sondage du canal et plus les chances de réussite de cette technique diminuent 1 3 6 4. Le traitement du canal lacrymal bouché ne fait donc pas l’unanimité 4. Certains pensent qu’il est souhaitable de réaliser un sondage précoce alors que d’autres préfèrent attendre la résolution spontanée avant d’utiliser une telle technique.

Une ligne directrice peut néanmoins être établie 4 :

  • Avant 3 mois : soins locaux, pas de sondage, sauf cas particuliers
  • 3 à 6 mois : sondage si conjonctivites lacrymales à répétition
  • 6 à 12 mois : sondage encore, mais la période la plus favorable est passée, le taux d’échec augmente
  • Après 12 mois : anesthésie générale nécessaire, l’intubation siliconée est plutôt recommandée dans le même temps anesthésique

Interêt du traitement ostéopathique

La littérature sur le traitement ostéopathique d’un canal lacrymal bouché est malheureusement pauvre, j’ai néanmoins trouvé :

  • une étude de 2009 7 qui met en évidence l’efficacité du traitement ostéopathique en comparaison à un massage simple sur une population de 30 enfants âgés entre 2 semaines et 9 mois,
  • un mémoire de 2012 8 où les 20 nourrissons âgés de 2 à 11 mois qui avaient suivi le protocole de traitement ostéopathique n’avaient pas eu besoin d’un sondage du canal lacrymal et n’avait pas fait de récidive,
  • un rapport de cas de 2015 9 qui conclut que l’ostéopathie “peut diminuer l’usage d’antibiotiques et les procédures invasives chez les patients ayant un canal lacrymal bouché persistant. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour soutenir ces conclusions et évaluer le rôle de [l’ostéopathie] comme traitement conservateur de première intention […].

M. Perchepied 8 pointe du doigt l’approche différente entre médecine allopathique et ostéopathie d’un canal lacrymal bouché :

La médecine conçoit l’obstruction comme une membrane immature qui bouche le canal et qu’il faut perforer afin que le canal puisse remplir sa fonction. Dans notre étude, nous n’avons pas été confrontés à ces situations si elles existent car dans ces cas notre mode d’action serait inefficace. Selon notre point de vue ostéopathique, nous concevons ces obstructions comme une congestion vasculaire de la muqueuse (œdème de la muqueuse) qu’il faut drainer par voie réflexe neurovasculaire. Cette obstruction est congestive car nous constatons à posteriori du traitement une disparition conjointe des LTR et consécutivement des troubles de la fonction.

J’ajouterai que toutes les causes modifiant la qualité des tissus, leur vascularisation et drainage, leur mobilité… peuvent provoquer l’obturation du canal lacrymal (que ce soit localement ou à distance). Le canal lacrymal bouché est, pour l’ostéopathe, l’expression d’une ou plusieurs dysfonctions ostéopathiques. Ces dysfonctions proviennent des contraintes mécaniques in utéro (pendant la grossesse), lors de l’accouchement et après la naissance.

Dans ma pratique courante, je vois surtout des enfants âgés de plus de 6 mois dont le traitement lavage + massages a échoué et à qui l’on propose un traitement par sondage. Lors de ces consultations, je recherche par une palpation douce les pertes de qualité et de mobilité des tissus pouvant être à l’origine de l’obstruction du canal lacrymal. Je m’intéresse donc au crâne et à la face, mais aussi au reste du corps : ce n’est pas le canal lacrymal en lui-même qui est traité mais tout le corps de votre enfant. L’intérêt est d’éviter l’utilisation d’antibiothérapie lorsque cela est possible, mais aussi et surtout les interventions nécessitant une anesthésie générale.

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter le site des Drs Bruno Fayet et Emmanuel Racy ainsi que le site de l’hôpital pour enfant de Toronto très bien illustré.

Sources

  1. MacEwen CJ, Young JDH. Epiphora during the first year of life. Eye, 1991  2

  2. Paul TO, Shepherd R. Congenital nasolacrimal duct obstruction: natural history and the timing of optimal intervention. Journal of Pediatric Ophthalmology and Strabismus, 1994 Nov-Dec 

  3. J. Allali, J.-L. Dufier. Pathologie lacrymale chez le nourrisson et l’enfant. 2007  2 3

  4. J.A. Bernard, B. Fayet, J.-M. Ruban, P. Klap, D. Schapiro. Le larmoiement du petit enfant. Questions ? Réponses… Journal Français d’Ophtalmologie, Vol 23, N° 9 - novembre 2000, p. 945  2 3 4

  5. Ciftçi F, Akman A, Sönmez M, Unal M, Güngör A, Yaylali V. Systematic, combined treatment approach to nasolacrimal duct obstruction in different age groups. European Journal of Ophthalmology, Vol. 10 no. 4, 2000, p. 324-329 

  6. E. Baggio, J.-M. Ruban, K. Sandon. Analyse de l’efficacité du sondage précoce dans le traitement de l’obstruction congénitale des voies lacrymales symptomatique du nourrisson. Journal Français d’Ophtalmologie, Vol 23, N° 7 - septembre 2000, p. 655 

  7. Joaquín Pérez Navarro, Joan Vicent Capó i Giner. Efficacy of the osteopathic technique of lacrimalis bone release in children with congenital nasolacrimal duct obstruction. Osteopatía científica, ISSN 1886-9297, Vol. 4, N° 3, 2009, p. 79-85 

  8. Gilles Perchepied. Etude des effets du traitement ostéopathique sur l’obstruction du canal lacrymal chez le nourrisson. 2011/2012  2

  9. Theresa E. Apoznanski, Reem Abu-Sbaih, Michael J. Terzella, Sheldon Yao. Resolution of dacryostenosis after osteopathic manipulative treatment. The Journal of the American Osteopathic Association Vol 115, N°2, 2015, p. 110-114